On désigne ainsi les fonctions les plus utilisées dans les applications. Bien évidemment, cette notion est assez vague et dépend des époques. Avec le développement des moyens de calcul numérique et formel, des milliers de fonctions peuvent être actuellement évaluées rapidement.
Admettons que les fonctions « classiques » soient les polynômes, les fractions rationnelles (quotients de polynômes), les fonctions trigonométriques et leurs réciproques (arcsinus, arccosinus, arctangente). Historiquement, les premières fonctions spéciales sont les fonctions logarithmes et exponentielles, puis les fonctions puissances avec un exposant réel et les fonctions hyperboliques, définies à l’aide des exponentielles, par exemple :\[x^\alpha=\exp\bigl(\alpha\ln(x)\bigr)\quad\text{et}\quad\sinh(x)=\frac12(e^x-e^{-x}).\]
L’irruption du calcul différentiel et intégral, à la fin du 17ème siècle, a fait surgir de nouvelles fonctions, définies par exemple à l’aide d’intégrales ou de séries, souvent solutions d’équations différentielles modélisant des phénomènes physiques. Un premier exemple est la fonction Gamma de Leonhard Euler (1707-1783) :\[\Gamma(x)=\int_0^{+\infty} t^{x-1} e^{-t} dt,\quad x\gt 0\]qui étend la factorielle à la variable réelle puisque $\Gamma(n+1)=n!$ pour tout $n\in \N$. Elle vérifie l’équation fonctionnelle $\Gamma(x+1)=x\Gamma(x)$ qui permet de calculer toutes ses valeurs à partir de celles évaluées sur ${]0,1]}$.
Un deuxième exemple est celui de la fonction $J_0$ de Friedrich Bessel (astronome allemand, 1784-1846) définie par une série et une intégrale\[J_0(x)=\sum_{n\ge 0}(-1)^n \frac{x^{2n}}{4^n (n!)^2}=\frac{1}{\pi} \int_0^{\pi} \cos\bigl(x\sin(t)\bigr)\mathrm{d}t\]et solution de l’équation différentielle linéaire du second ordre {\em à coefficients non constants}\[x^2y »(x)+xy'(x)+x^2y(x)=0.\]Elle fut utilisée par Bessel pour des calculs d’orbites de planètes.
Un troisième exemple, provenant de la théorie des nombres, est la fonction Zêta de Bernhard Riemann (1826-1866) définie par la série complexe \[ \zeta(z)=\sum_{n\ge 1} n^{-z}\]Elle ne converge que pour $|z|\gt 1$, mais on peut la prolonger analytiquement au plan complexe privé de $0$.Une des plus célèbres conjectures actuelles des mathématiques (formulée par Riemann) est que tous les zéros de cette fonction sont situés sur la droite verticale $z=1/2$. En prouvant cette conjecture, on aurait des informations beaucoup plus précises sur la répartition des nombres premiers parmi les entiers naturels. La conjecture a bientôt un siècle et demi et ne semble pas encore prête d’être démontrée…
Un bon aperçu de l’état de l’art dans ce domaine est fourni par le « NIST Handbook of mathematical functions » (950 pages) édité par Olver, Lozier, Boisvert & Clark et publié par NIST (National Institute of Standards and Technology, U.S.) et Cambridge University Press en 2010.
Une propriété remarquable de certaines de ces fonctions est qu’elles peuvent s’étendre au cas où la variable est une matrice : on assiste actuellement au développement rapide de cette branche de l’analyse matricielle.