Première suite
Un premier type de suites est constitué des approximations de la racine d’une équation. Un exemple très ancien (présent sur des tablettes de terre cuite babyloniennes) est le calcul de la racine carrée de $a\gt 1$ : $\sqrt{a}$ est racine de l’équation $x^2=a$, que l’on peut aussi écrire $x=a/x$, puis $2x=x+a/x$ et finalement $x=\frac12(x+\frac ax)=f(x)$.
On construit alors la suite (dite de point fixe) associée en partant par exemple de $x_0=a$ :\[\begin{equation}x_{n+1}=f(x_n)=\frac12\left(x_n+\frac{a}{x_n}\right),\quad n\ge 0.\label{eq:s1}\end{equation}\]Pour $a$ entier ou rationnel, on obtient une suite de nombres rationnels qui converge très vite vers $x^*=\sqrt{a}$. La convergence est quadratique, ce qui signifie que le nombre de décimales exactes est doublé à chaque itération $\eqref{eq:s1}$. Comme la limite $x^*$ vérifie $x^*=f(x^*)$, on dit alors que $x^*$ est point fixe de $f$ et l’on appelle $(x_n)$ la suite de point fixe associée à l’équation $x=f(x)$.
On peut faire beaucoup mieux avec la suite définie comme suit. Soit $x_0$ une approximation de $\sqrt{a}$. On définit alors les suites $(a_n)$ et $(x_n)$ par les formules suivantes :\[\begin{equation}a_n=\frac{a-x_n^2}{2x_n}, \quad s_n=x_n+a_n, \qquad x_{n+1}=s_n-\frac{a_n^2}{2s_n}.\label{eq:s2}\end{equation}\]On a alors convergence quartique de la suite $(x_n)$ vers $\sqrt{a}$ : le nombre de décimales exactes est quadruplé à chaque itération $\eqref{eq:s2}$.
Suite d’Al Kashi
Un autre exemple intéressant est la suite de point fixe d’Al Kashi qui était astronome à l’observatoire de Samarcande construit par le prince mongol Ulug Beg (vers 1420). Pour faire des calculs plus précis, il avait besoin de calculer $x=\sin1^\circ\approx 0{,}01745$ à partir de la valeur connue de $z=\sin3^\circ\approx 0{,}5233$. A partir de la relation $\sin(3a)=3\sin(a)-4\sin(a)^3$, on en déduit que $x$ est solution de l’équation cubique\[z=3x-4x^3 \quad {\rm ou} \quad x=\frac13(z+4x^3) :=f(x).\]On construit alors la suite de point fixe associée (à partir de $x_0=z$ par exemple) :\[x_{n+1}=f(x_n)=\frac13(z+4x_n^3).\]Comme $z=\sin3^\circ$ est proche de zéro, vous pourrez démontrer en exercice que la suite $(x_n)$ reste voisine de zéro, et qu’elle converge très rapidement vers sa limite $x=\sin1^\circ$. Grâce à cela, Al Kashi a pu déterminer $x$ avec une précision de 15 décimales et construire une table de sinus beaucoup plus précise que les tables existantes, ce qui a augmenté par conséquent la précision des mesures astronomiques.
Suite du type « Fibonacci »
Un autre type de suites est constitué des suites récurrentes du type de la suite de Fibonacci définie par $F_0=F_1=1$ et $F_{n+1}=F_n+F_{n-1}$. C’est plutôt un type de système dynamique, qui modélise l’évolution d’une population (ici de lapins comme nous allons le voir) au cours du temps (voir le chapitre Récurrence).
Fibonacci, alias Leonardo de Pisano (Léonard de Pise) de son vrai nom Leonardo Guilielmi (1180-1250), a vécu à l’époque de la construction de la célèbre tour penchée. Son surnom de « Fibonacci » vient de la contraction du latin « filius Bonaccii » signifiant « fils Bonacci » qui est marchand. De son vivant, il a été reconnu grâce à ses travaux sur les applications de l’arithmétique au calcul commercial.
Après de nombreux voyages où il s’initie aux études scientifiques et côtoie de nombreux savants, il retourne en Italie où il se consacre aux Mathématiques en faisant le lien entre les différentes approches. Vers 1202, il écrit un ouvrage, le , à propos de la numération de position indo-arabe. Il décrit des méthodes de calcul des opérations élémentaires et des résultats algébriques sur les polynômes et des résultats d’arithmétiques. Il évoque aussi la célèbre suite dite de Fibonacci à travers le problème suivant :
Combien de couples de lapins obtiendrons-nous à la fin de l’année si, commençant avec un couple, chacun des couples produisait chaque mois un nouveau couple lequel deviendrait productif au second mois de son existence ?
Les réponses constituent les nombres de la suite de Fibonacci dont chaque terme à partir du 3ème est la somme des deux précédents.
Cette suite a entre autre la particularité suivante : la limite du quotient de deux termes consécutifs est le Nombre d’Or égal à $\displaystyle\frac{1+\sqrt{5}}{2}$, célèbre nombre intervenant en Mathématiques, architecture, art, biologie…
Notions avancées
Les notions de limite et de convergence d’une suite n’ont été forgées qu’au cours du 19ème siècle, en même temps que les notions de limite et de continuité d’une fonction. Un autre exemple important de suites est celui des suites de sommes (appelées séries). Dans tous les cas, les problèmes majeurs sont d’une part l’existence (ou non) d’une limite, et d’autre part le calcul exact ou approché de cette limite quand elle existe. Certaines suites convergent si lentement que l’on a besoin d’accélérer leur convergence : cela signifie que l’on construit une autre suite, convergeant naturellement vers la même limite que la première, mais beaucoup plus rapidement.
Plus généralement, on peut définir des suites d’objets mathématiques variés. Par exemple, pour résoudre un système de $n$ équations linéaires à $n$ inconnues (avec $n$ grand, par exemple $n=10^7$), un méthode générale consiste à fabriquer, à l’aide d’un algorithme, une suite de vecteurs convergeant vers la solution, supposée unique, du système. De même, pour résoudre des équations différentielles, aux dérivées partielles ou intégrales, on fabrique des suites de fonctions qui convergent vers la solution exacte de l’équation.