ThéoriesSous-espace vectoriel

En pratique, les problèmes, applications de l’algèbre linéaire se feront dans un $\mathbb{K}$-espace vectoriel qui nous donnera le cadre de travail.Puis, nous aurons des conditions qui nous ferons travailler sur des ensembles plus petits : les sous-espaces vectoriels.
Définition
Soit $E$ un $\mathbb{K}$-espace vectoriel et $F$ une partie de $E$. $F$ est un sous-espace vectoriel de $E$ si et seulement si $F$ est un $\mathbb{K}$-espace vectoriel (muni des lois induites par celles de $E$).

Cette définition est peu utilisée en pratique. En effet, bien que simple, son utilisation induit la vérification de nombreux items. Nous utiliserons de préférence la caractérisation suivante dont la preuve est laissée au lecteur.

Théorème
Soit $E$ un $\mathbb{K}$-espace vectoriel et $F$ une partie de $E$. $F$ est un sous-espace vectoriel si et seulement si :
  1. $F$ est non vide ;
  2. $F$ est stable pour la loi interne de $E$ ;
  3. $F$ est stable pour la loi externe de $\mathbb{K}$ sur $E$.
  1. $E$ et $\{0_E\}$ sont des sous-espaces vectoriels de $E$.
  2. Soit $F$ un sous-espace vectoriel d’un espace vectoriel $E$.Comme $F$ est non vide, il contient un vecteur $u$.Comme $F$ est stable pour la loi externe, $F$ contient le vecteur $0\bullet u$, c’est-à-dire le vecteur nul de $E$, noté $0_E$.
    En général, il est facile de démontrer que ce vecteur nul est élément ou non élément d’un ensemble.
    La propriété 1 du théorème précédent peut donc s’écrire « $F$ contient le vecteur nul de $E$, $0_E$ ».
  3. Les propriétés 2 et 3 du théorème précédent sont en général assez faciles à démontrer. Aussi, préfère-t-on souvent démontrer la propriété équivalente suivante :\[\forall(u,v)\in F^2,\ \forall(\alpha,\beta)\in\mathbb{K}^2,\ (\alpha\bullet u)\boxplus(\beta\bullet v)\in F.\]On dit aussi dans ce cas que $F$ est stable par combinaison linéaire. Il est facile de démontrer que la stabilité par combinaison linéaire précédente est équivalente à :\[\forall(u,v)\in F^2,\ \forall\lambda\in \mathbb{K},\ u\boxplus(\lambda\bullet v)\in F.\]
Nous obtenons alors les théorèmes suivants.
Théorème
Soit $E$ un $\mathbb{K}$-espace vectoriel et $F$ une partie de $E$. $F$ est un sous-espace vectoriel si et seulement si :
  1. $0_E$ est un élément de $F$,
  2. $\forall(u,v)\in F^2,\ \forall(\alpha,\beta)\in\mathbb{K}^2,\ (\alpha\bullet u)\boxplus(\beta\bullet v)\in F$.
Théorème
Soit $E$ un $\mathbb{K}$-espace vectoriel et $F$ une partie de $E$. $F$ est un sous-espace vectoriel si et seulement si :
  1. $0_E$ est un élément de $F$,
  2. $\forall(u,v)\in F^2,\ \forall\lambda\in\mathbb{K},\ u\boxplus(\lambda\bullet v)\in F$.
Remarque
Dans la suite, s’il n’y a pas de confusion possible, pour alléger les écritures, nous noterons $+$ l’addition de deux vecteurs (au lieu de $\boxplus$) et nous noterons $\alpha u$ le produit du scalaire $\alpha$ et du vecteur $u$ (au lieu de $\alpha\bullet u$).

L’ensemble $\bigl(C(I;\mathbb{R});+;\times\bigr)$ des applications continues de $I$ dans $\mathbb{R}$ est un sous espace vectoriel de $\bigl(A(I;\mathbb{R});+;\times\bigr)$.

La fonction nulle, vecteur nul de $A(I;\mathbb{R})$, est une application continue de $I$ dans $\mathbb{R}$. Donc, $C(I;\mathbb{R})$ est non vide.

Soient $f$ et $g$ deux éléments de $C(I;\mathbb{R})$ et $\alpha$ et $\beta$ deux réels.
Alors $\alpha f+\beta g$ est encore une application continue de $I$ dans $\mathbb{R}$, c’est-à-dire un élément de $C(I;\mathbb{R})$.

Nous avons ainsi démontrer que $C(I;\mathbb{R})$ est non vide et stable par combinaison linéaire.
Donc, $\bigl(C(I;\mathbb{R});+;\times\bigr)$ est un sous-espace vectoriel de $\bigl(A(I;\mathbb{R});+;\times\bigr)$.

Soit $E=\mathbb{R}^3$ considéré comme un $\mathbb{R}$-espace vectoriel.

Alors $P$ défini par son équation cartésienne $3x+2y+z=0$, c’est-à-dire $P=\bigl\{(x,y,z) \in \mathbb{R}^3\;\bigm\vert\ 3x+2y+z=0\bigr\}$ est un sous-espace vectoriel de $E$.
De même, $D$ défini par $\left\{ \eqalign{x+y+2z&=0\crx-y-\phantom{2}z&=0}\right.$ c’est-à-dire $D=\bigl\{(x,y,z)\in\mathbb{R}^3\bigm\vert\ x+y+2z=0\text{ et }x-y-z=0\bigr\}$ est un sous-espace vectoriel de $E$.

  • Montrons que $P$ est un sous-espace vectoriel.

    $0_{\mathbb{R}^3}=(0,0,0)$ est élément de $P$. En effet, $3×0+2×0+0=0$.
    Donc, $P$ est non vide.

    Soient $\alpha$ et $\beta$ deux réels et soient $u=(x_1,y_1,z_1)$ et $v=(x_2,y_2,z_2)$ deux vecteurs de $P$, c’est-à-dire vérifiant : $3x_1+2y_1+z_1=0$ et $3x_2+2y_2+z_2=0$.

    Posons $w=\alpha u+\beta v$. Nous avons : $w=(\alpha x_1+\beta x_2,\alpha y_1+\beta y_2,\alpha z_1+\beta z_2)$.

    Nous vérifions alors :\begin{align*}&3(\alpha x_1+\beta x_2)+2(\alpha y_1+\beta y_2)+(\alpha z_1+\beta z_2)\\&=\alpha(3x_1+2y_1+z_1)+\beta(3x_2+2y_2+z_2) \\&=0.\end{align*}
    Nous en déduisons que $w=\alpha u+\beta v$ est élément de $P$.

    Donc, $P$ est un sous-espace vectoriel de $E$.

  • Nous pouvons de même démontrer que $D$ est un sous-espace vectoriel de $E$.

$F =\left\{(x,y,z,t) \in \mathbb{R}^4;\ x-y+z-t=0\right\}$ est un sous-espace vectoriel de l’espace vectoriel $\mathbb{R}^4$ muni des lois « classiques ».

  • $(0;0;0;0) \in F$ donc $F\ne \varnothing$.
  • Soient $(u;v) \in \mathbb{R}^2$ et $\lambda \in \mathbb{R}$.
    On a $u=(x;y;z;t) \in \mathbb{R}^4$ et $v=(x’;y’;z’;t’) \in \mathbb{R}^4$ avec $x-y+z-t=0$ et $x’–y’+z’– t’=0$. Alors, \[\lambda u+v=(\lambda x+x’;\lambda +y’;\lambda z+z’;\lambda t+t’)\]et on a\[(\lambda x+x’)-(\lambda y+y’)+(\lambda z+z’)-(\lambda t+t’)=0.\]Donc $\lambda u+v \in F$.

On en conclut que $F$ est un sous-espace vectoriel de $\mathbb{R}^4$.

Soit $\mathbb{R}_n[X]$ l’ensemble des polynômes de $\mathbb{R}[X]$ de degré inférieur ou égal à $n$.
$\mathbb{R}_n[X]$ muni des lois classiques est un sous-espace vectoriel de $\mathbb{R}[X]$.

En effet, $\mathbb{R}_n[X]$ est non vide et stable par combinaison linéaire.

Soit $G=\bigl\{P\in \mathbb{R}_2[X]\bigm\vert P(1)=0 \bigr\}$. $G$ est un sous-espace vectoriel de $\mathbb{R}_2[X]$.

Le polynôme nul est élément de $G$ donc $G$ est non vide.

Soient $P$ et $Q$ deux éléments de $G$ et soient $\alpha$ et $\beta$ deux réels. Alors $\alpha P+\beta Q$ est élément de $\mathbb{R}_2[X]$.
De plus, $(\alpha P+\beta Q)(1)=\alpha P(1)+ \beta Q(1)=0$. Donc, $\alpha P+\beta Q$ est élément de $G$.

$G$ étant non vide et stable par combinaison linéaire, on en déduit que $G$ est un sous-espace vectoriel de $\mathbb{R}_2[X]$.

Quelles sont les opérations possibles sur les sous-espaces vectoriels ?
Un sous-espace vectoriel étant un ensemble, il se pose la question de l’intersection, de la réunion, du complémentaire.

Théorème

L’intersection de 2 sous-espaces vectoriels de $E$ est un sous-espace vectoriel de $E$.

Soient $F$ et $G$ deux sous-espaces vectoriels de $E$. Posons $H=F\bigcap G$.
Montrons que $H$ est un sous-espace vectoriel.

Comme $F$ et $G$ sont des sous-espaces vectoriels, ils contiennent $0_E$. $0_E$ est élément de $H$ et ainsi $H$ est non vide.

Soient $u$ et $v$ deux vecteurs de $H$, et $\alpha$ et $\beta$ deux scalaires.Posons $w=\alpha u + \beta v$. $w$ est élément de $F$ comme combinaison linéaire d’éléments de $F$.
De même, $w$ est élément de $G$ comme combinaison linéaire d’éléments de $G$. Nous en déduisons que $w=\alpha u + \beta v$ est élément de $H$.

Donc $H$ est un sous-espace vectoriel de $E$.

Remarque
La réunion de 2 sous-espaces vectoriels de $E$ n’est pas, en général, un sous-espace vectoriel de $E$.
Voir l'animation

Nous pouvons voir que la réunion de deux sous-espace vectoriel est non vide et qu’elle est stable par le produit par un scalaire.Montrons que la réunion n’est pas en général stable par la somme. Un contre exemple suffira.

Soit $E=\mathbb{R}^2$ considéré comme un $\mathbb{R}$-espace vectoriel.Soit $F=\bigl\{(x,0)\bigm\vert x\in \mathbb{R} \bigr\}$ et $G=\bigl\{(0,y)\bigm\vert y\in \mathbb{R}\bigr\}$.

  • $F$ et $G$ sont des sous-espaces vectoriels de $\mathbb{R}^2$.
    En effet $(0;0) \in F$ donc $F$ est non vide. Soient $(x_1;0) \in F$, $(x_2;0) \in F$ et $\lambda \in \mathbb{R}$.\[\lambda (x_1;0)+(x_2; 0)=(\lambda x_1;0)+(x_2;0)=(\lambda x_1+x_2;0) \in F.\]$F$ est donc un sous espace vectoriel de $\mathbb{R}^2$.De même, $G$ est un sous-espace vectoriel de $\mathbb{R}^2$.
  • Le vecteur $u=(1,0)$ est élément de $F$ et le vecteur $v=(0,1)$ est élément de $G$. Ainsi, $u$ et $v$ sont élément de $F\bigcup G$. Posons $w=u+v=(1,1)$. Ce vecteur $w$ n’est élément ni de $F$, ni de $G$. Il n’appartient donc pas à $F\bigcup G$.
    Donc $F\bigcup G$ n’est pas stable pour la loi interne.

Nous venons ainsi de démontrer que la réunion de deux sous-espaces vectoriels n’est pas en général un sous-espace vectoriel.

Nous verrons en exercice le résultat suivant :
Propriété

La réunion de deux sous-espaces vectoriels $F$ et $G$ de $E$ est un sous-espace vectoriel de $E$ si et seulement si $F\subset G$ ou $G\subset F$.

Dans ce cas, la réunion est le plus grand des deux sous-espaces vectoriels et alors la réunion n’a pas d’intérêt… Nous verrons que la somme d’espaces vectoriels est la bonne notion.

Remarque
Le complémentaire d’un sous-espace vectoriel n’est pas un sous-espace vectoriel. En effet, il ne contient pas le vecteur nul.