Soient $F$ et $G$ deux sous-espaces vectoriels d’un espace vectoriel $E$.
On pose $F+G=\left\{v_1+v_2\mid v_1\in F,v_2\in G\right\}$.
On généralise cette définition au cas de $n$ espaces vectoriels.
Soient le $\R$-espace vectoriel $\R^2$, $D_1=\left\{(x,0) \mid x\in \R\right\}$ et $D_2=\left\{(0,y)\mid y\in \R\right\}$.
Alors, $D_1+D_2=\left\{(x,y) \mid x\in \R\wedge \ y\in \R\right\}=\R^2$.
Avec les notations ci-dessus, $F+G$ est un sous-espace vectoriel de $E$.
Posons $H=F+G$. Montrons que $H$ est un sous-espace vectoriel.
Nous pouvons écrire : $0_E=\underbrace{0_E}_{\in F}+\underbrace{0_E}_{\in G}$. Nous en déduisons que $0_E$ est élément de $H$ et ainsi $H$ est non vide.
Soient $u$ et $v$ deux vecteurs de $H$. Nous avons :\[\exists u_F\in F,\ \exists u_G\in G,\ u=u_F+u_G\text{ et }\exists v_F\in F,\ \exists v_G\in G,\ v=v_F+v_G.\]
Soient $\alpha$ et $\beta$ deux scalaires. Posons $w=\alpha u+\beta v$. Nous avons :\[w=\alpha(u_F+u_G)+\beta(v_F+v_G)=(\alpha u_F+\beta v_F)+(\alpha u_G+\beta v_G).\]Or, comme $F$ est un sous-espace vectoriel, $(\alpha u_F+\beta v_F)\in F$.De même, comme $G$ est un sous-espace vectoriel, $(\alpha u_G+\beta v_G)\in G$.
Nous en déduisons que $w=\alpha u+\beta v$ est élément de $H$ et donc que $H$ est un sous-espace vectoriel de $E$.
Le théorème suivant montre l’importance de la somme de deux sous-espaces vectoriels.
Comme nous le verrons par la suite, nous travaillerons souvent en algèbre linéaire avec des notions de « plus petit », « plus grand », « maximale », « minimale »… La démonstration de ce théorème nous familiarisera avec ces notions.
$F+G$ est le plus petit sous-espace vectoriel de $E$ contenant $F$ et $G$ : \[F+G=\Vect(F\cup G).\]
Nous allons procéder par double inclusion.
- Montrons que $F+G\subset \Vect\left(F\cup G \right)$.
Soit $u$ un vecteur de $F+G$. Nous avons :\[\exists u_F\in F,\ \exists u_G\in G,\ u=u_F+u_G.\]Les vecteurs $u_F$ et $u_G$ sont des éléments de $F\cup G$. Donc, leur somme est un élément de $Vect(F\cup G)$. D’où l’inclusion.- Montrons la deuxième inclusion $\Vect(F\cup G)\subset F+G$.
Soit $u$ un vecteur de $\Vect(F\cup G)$. Alors, $u$ est une combinaison linéaire de vecteurs de $F$ et de $G$. Donc, $u$ est un élément de $F+G$.D’où le résultat.
Nous allons maintenant donner la définition d’une propriété qu’une somme de deux sous-espaces vectoriels peut avoir ou non. Cette propriété, lorsqu’elle est vérifiée, nous sera très utile.
Soient $F$ et $G$ deux sous-espaces vectoriels d’un espace vectoriel $E$.
La somme $F+G$ est dite directe si par définition $F\cap G=\{0_E\}$. On la note alors $F\oplus G$.
- Deux sous-espaces-vectoriels de $\R^2$ en somme directe Voir l'animation.
- Deux sous-espaces vectoriels de $\R^3$ en somme directe Voir l'animation.
Exemples dans $\R^3$ avec deux droites, une droite et un plan…
Soit $E=\R^3$ considéré comme un $\R$-espace vectoriel avec les lois usuelles. Soit $P$ défini par son équation cartésienne $3x+2y+z=0$, c’est-à-dire $P=\left\{(x,y,z) \in \R^3 \mid 3x+2y+z=0\right\}$, un sous-espace vectorielDémontré précédemment cf. les sous-espaces vectoriels de $E$.
- Soit $D$ défini par $\begin{cases}x+y+2z=0 \\x-y-\hphantom{2}z=0\end{cases}$, c’est-à-dire $D=\left\{(x,y,z) \in \R^3 \mid x+y+2z=0\wedge x-y-z=0\right\}$, un sous-espace vectorielDémontré précédemment cf. les sous-espaces vectoriels de $E$. La somme $P+D$ est-elle directe ?Voir la solution
Déterminons $P\cap D$.
Soit $u=(x,y,z)$ un vecteur de $\R^3$.\begin{align*}u\in P\cap D&\iff \begin{cases}\hphantom{3}x+\hphantom{2}y+2z&=&0 \\\hphantom{3}x-\hphantom{2}y-\hphantom{2}z&=&0 \\3x+2y+\hphantom{2}z&=&0 \\\end{cases} &\iff& \begin{cases}x+\hphantom{2}y+2z&=&0 \\\hphantom{x}\mathbin{\hphantom{+}}2y+3z&=&0 \\\hphantom{x+2}y+5z&=&0 \\\end{cases} \\&\iff \begin{cases}x+\hphantom{2}y+2z&=&0 \\\hphantom{x}\mathbin{\hphantom{+}}2y+3z&=&0 \\\hphantom{x}\mathbin{\hphantom{+}}\hphantom{2y}-7z&=&0 \\\end{cases} &\iff& \begin{cases}x&=&0 \\y&=&0 \\z&=&0. \\\end{cases} \\\end{align*}Nous venons ainsi de démontrer que $P\cap D=\left\{0_{\R^3}\right\}$ et ainsi que la somme $P+D$ est directe. Nous la notons donc $P\oplus D$. - Soit $D’$ défini par $\begin{cases}x+4y+2z=0 \\\hphantom{x}2y+z=0 \\\end{cases}$, c’est-à-dire $D’=\left\{(x,y,z) \in \R^3 \mid x+4y+2z=0\wedge 2y+z=0\right\}$.
La somme $P+D’$ est-elle directe ?Voir la solution- Montrons que $D’$ est un sous-espace vectoriel de $\R^3$.
$0_{\R^3}$ est élément de $D’$ donc $D’$ est non vide. Soit $u=(x,y,z)$ un vecteur de $\R^3$.
\[u\in D’\iff \begin{cases}x+4y+2z=0 \\\hphantom{x}\mathbin{\hphantom{+}}2y+\hphantom{2}z=0 \\\end{cases} \iff \begin{cases}x&=0 \\y&=-\frac{1}{2}\alpha \\z&=\alpha. \\\end{cases}\]Posons $u_0=(0,-\frac{1}{2},1)$. Alors, $D’=\Vect(\{u_0\})$. Donc, $D’$ est un sous-espace vectoriel. - Déterminons $P\cap D’$. Soit $u=(x,y,z)$ un vecteur de $\R^3$.
\begin{align*}u\in P\cap D’&\iff \begin{cases}\hphantom{3}x+4y+2z&=0 \\\hphantom{3x}\mathbin{\hphantom{+}}2y+\hphantom{2}z&=0 \\3x+2y+\hphantom{2}z&=0 \\\end{cases} \iff \begin{cases}x+\hphantom{1}4y+2z&=0 \\\hphantom{x1}\mathbin{\hphantom{+}}2y+\hphantom{2}z&=0 \\\hphantom{x}\mathbin{\hphantom{+}}10y+5z&=0 \\\end{cases} \\&\iff \begin{cases}x+2y+4z&=0 \\\hphantom{x2}\mathbin{\hphantom{+}}y+2z&=0 \\0&=0 \\\end{cases} \iff \begin{cases}x&=&0 \\y&=&-2\alpha \\z&=&\alpha. \\\end{cases} \\\end{align*}Nous avons $P\cap D’=D’$. Ainsi, $P\cap D’\ne \left\{0_{\R^3}\right\}$ et donc la somme $P+D’$ n’est pas une somme directe.
- Montrons que $D’$ est un sous-espace vectoriel de $\R^3$.
Soit $\R_2[X]$ considéré comme un $\R$-espace vectoriel. Soit $F=\R_1 [X]$. $F$ est un sous-espace vectoriel de $E$.
- Soit $G=\left\{P\in \R_2[X] \mid P(1)=0 \right\}$. La somme $F+G$ est-elle directe ?Voir la solution
Nous avons déjà montré que $G$ est un sous-espace vectoriel de $\R_2[X]$.
Le polynôme $P=X-1$ appartient à $F\cap G$. Donc, $F\cap G\ne {0_{\R_2[X]}}$.
La somme $F+G$ n’est donc pas directe. - Soit $H=\left\{P\in \R_2[X]\mid\exists \alpha \in \R,\ P=\alpha X^2 \right\}$. La somme $F+H$ est-elle directe ?Voir la solution
Il est aisé de montrer que $H$ est un sous-espace vectoriel de $\R_2$[X].
Montrons que $F\cap H={{0}_{\R_2[X]}}$.
Soit $P$ élément de $F\cap H$. Alors :\[\exists (a,b)\in {\R^2}\vert P=aX+b\text{ et }\exists \alpha \in {\R^2}\vert P=\alpha X^2.\]Nous en déduisons que $\alpha X^2+aX+b=0_{\R_2[X]}$ et donc $a=b=\alpha=0$.
Donc, $P=0_{\R_2[X]}$. Nous avons ainsi démontré que $F\cap H={0_{\R_2[X]}}$.
La somme $F+H$ est donc directe et nous la notons $F\oplus H$.
Nous donnons maintenant le théorème équivalent à la définition précédente.
Soient $F$ et $G$ deux sous-espaces vectoriels d’un espace vectoriel $E$.
La somme $F+G$ est directe si et seulement si tout vecteur de $F+G$ se décompose de manière unique comme la somme d’un élément de $F$ et d’un élément de $G$.
Procédons par double implication.
Supposons la somme $F+G$ est directe et montrons que tout vecteur de $F+G$ se décompose de manière unique comme la somme d’un élément de $F$ et d’un élément de $G$.
Soit $u$ un vecteur de $F+G$. Nous avons alors : $\exists u_F\in F,\ \exists u_G\in G,\ u=u_F+u_G$.
Nous avons ainsi l’existence de la décomposition d’un vecteur de $F+G$ comme la somme d’un élément de $F$ et d’un élément de $G$.Montrons l’unicité.
Soient $v_F$ et $v_G$ deux vecteurs tels que $u=v_F+v_G$. Montrons que nécessairement $u_F=v_F$ et $u_G=v_G$.
Nous avons $u=u_F+u_G=v_F+v_G$. Donc, $u_F-v_F=v_G-u_G$. Le vecteur $u_F-v_F$ est une combinaison linéaire de vecteurs de $F$, donc il appartient à $F$.
De même, le vecteur $v_G-u_G$ est une combinaison linéaire de vecteurs de $G$, donc il appartient à $G$. Or, ces deux vecteurs sont égaux. Ils appartiennent donc à $F\cap G$. Comme $F\cap G=\{0_E\}$ nous en déduisons que $u_F=v_F$ et $u_G=v_G$.Montrons l’implication réciproque.
Supposons que tout vecteur de $F+G$ se décompose de manière unique comme la somme d’un élément de $F$ et d’un élément de $G$. Montrons que la somme $F+G$ est directe, c’est-à-dire que $F\cap G=\{0_E\}$.
Il est clair que $0_E\subset F\cap G$.Montrons l’inclusion $F\cap G\subset \{0_E\}$.
Soit $u$ un élément de $F\cap G$. Nous avons : $u=\underbrace{u}_{\in F}+\underbrace{0_E}_{\in G}=\underbrace{0_E}_{\in F}+\underbrace{u}_{\in G}$. Comme la décomposition d’un vecteur est unique comme la somme d’un élément de $F$ et d’un élément de $G$, nous en déduisons que $u=0_E$.D’où le résultat.
$E=\R^3$. On pose $i=(1,0,0)$, $j=(0,1,0)$ et $k=(0,0,1)$. Nous avons $E=\Vect({i,j,k})$.
- Soient $F=\Vect({i,j– i})$ et $G=\Vect({k,j+k})$.
La somme n’est pas directe car :\[-i+j+k=\underbrace{-i}_{\in F}+\underbrace{j+k}_{\in G}=\underbrace{-i+j}_{\in F}+\underbrace{k}_{\in G}\] - Soient $F=\Vect({i, j+k})$ et $G=\Vect({j-k-i})$.
La somme $F+G$ est directe et $F\oplus G=\R^3$ car : \[xi +yj+zk=\frac12 (2x+y-z)i+\frac12 (y+z)(j+k)+ \frac12(y-z)(j-k-i)\] et il n’y a pas d’autre possibilité.
Dans ces 2 exemples, il aurait été plus facile de montrer que la somme était directe en déterminant $F\cap G$.
Soient $F$ et $G$ deux sous-espaces vectoriels d’un espace vectoriel $E$.
$F$ et $G$ sont supplémentaires si par définition $F\oplus G=E$.
- Ne pas confondre supplémentaire et complémentaire.
- Si $A\oplus B=A\oplus C$ alors nous n’avons pas nécessairement $B=C$.
Par exemple, pour $E=\R^2$ ; $A=\left\{(x,0)\in \R^2\mid x\in \R\right\}$, $B=\left\{(0,y)\in \R^2 \mid y\in \R\right\}$ et $C=\left\{(x,x)\in \R^2\mid x\in \R\right\}$
- Sous-espaces vectoriels supplémentaires dans $\R^2$ Voir l'animation.
- Sous-espaces vectoriels supplémentaires dans $\R^3$ Voir l'animation.
- Sous-espaces vectoriels non supplémentaires dans $\R^3$ Voir l'animation.
Soit $E=\R^3$ considéré comme un $\R$-espace vectoriel avec les lois usuelles.
Soit $P$ défini par son équation cartésienne $3x+2y+z=0$, c’est-à-dire $P=\left\{(x,y,z)\in \R^3 \mid 3x+2y+z=0\right\}$. $P$ est un sous-espace vectoriel de $E$.
Et soit $D$ défini par $\left\{ \begin{align*}& x+y+2z=0 \\& x-\,y-\ \ z=0 \\\end{align*} \right.$, c’est-à-dire $D=\left\{(x,y,z) \in \R^3 \mid x+y+2z=0\wedge x-y-z=0\right\}$. $D$ est un sous-espace vectoriel de $E$.
Nous avons déjà montré que $P\cap D=\left\{0_{\R^3} \right\}$.La somme est donc directe.
Nous montrerons à l’aide de la notion de dimension que $P\oplus D=\R^3$. Ainsi, $P$ et $D$ sont supplémentaires.
Soit $\R_2$[X] considéré comme un $\R$-espace vectoriel. Soient $F=\R_1[X]$ et $H=\left\{P\in \R_2[X]\mid \exists \alpha \in \R,\ P=\alpha X^2 \right\}$.
Nous avons déjà montré que $F\cap H=\left\{{0_{\R_2[X]}}\right\}$. La somme est donc directe.
Nous montrerons à l’aide de la notion de dimension que $F\oplus H=\R_2[X]$. Ainsi, $F$ et $H$ sont supplémentaires.
$E=\R^2$, $F_1=\R\times \{0\}=\left\{(x,0)\in \R^2 \mid x\in \R\right\} $ et $F_2=\{0\}\times \R=\left\{(0,y)\in {\R^2}\mid y\in \R\right\}$.
On a $F_1\oplus F_2=E$.
Soient, $E$ l’espace des applications définies sur $\R$ à valeurs dans $\R$, $F_1$ un sous-espace vectoriel des applications paires définies sur $\R$ à valeurs dans $\R$ et $F_2$ un sous-espace vectoriel des applications impaires définies sur $\R$ à valeurs dans $\R$.
On a $F_1\oplus F_2=E$.
- La seule application qui soit à la fois paire et impaire est la fonction nulle. D’où $F_1\cap F_2=\{0_E\}$.
- Soit $f$ un élément de $E$. Alors :\[\forall x\in \R,\ f(x)=\underbrace{\frac12\left(f(x)+f(-x) \right)}_{\in F_1}+\underbrace{\frac12\left(f(x)-f(-x) \right)}_{\in F_2}.\]Donc, $F_1+F_2=E$.
Nous avons ainsi montré que $F_1\oplus F_2=E$.