Avant de commencerPrésentation historique

La suite de Fibonacci, alias Léonard de Pise (vers 1180-1250), est définie par $F_0=F_1=1$ et $F_{n+1}=F_n+F_{n-1}$. C’est un premier exemple de système dynamique, qui modélise l’évolution d’une population de lapins au cours du temps (avec, il est vrai, des hypothèses très simplifiées). On part d’un couple de lapins ($F_0=1$) et l’on étudie sa descendance au cours du temps sachant qu’il engendre un autre couple de lapins chaque année après une année de maturation : $F_n$ désigne le nombre de couples de lapins existant au bout de l’année $n$, à partir de $n=1$. On suppose qu’il n’y a pas de prédateur et que les lapins vivent tout le temps de l’expérience (ils sont potentiellement éternels!).

La première année est une année de maturation, donc pas de petit lapin, et $F_1=1$. L’année suivante, le couple initial $C_0$ engendre un nouveau couple $C_1$, donc $F_2=2$. L’année suivante, le jeune couple $C_1$ n’engendre rien, mais le vieux couple $C_0$ engendre un autre couple $C_2$, donc $F_3=F_2+F_1=2+1=3$. Pour $n=4$, $F_4=F_3+F_2=3+2=5$ : en effet $C_0$ et $C_1$ engendrent chacun un nouveau couple, mais pas $C_2$. Plus généralement, durant l’année $n+1$, les « vieux couples » de l’année $n-1$ engendrent $F_{n-1}$ couples qui s’ajoutent aux $F_n$ couples de l’année $n$, donc $F_{n+1}=F_n+F_{n-1}$. Ce qui est remarquable, c’est que l’on peut obtenir une formule générale exprimant $F_n$ en fonction de $n$. Pour cela, on essaie de voir si des suites géométriques, c’est à dire du type $F_n=r^n$, avec $r\in \R\backslash \{0\}$, sont solutions de l’équation de récurrence :\[r^{n+1}=r^n+r^{n-1}\]En divisant par $r^{n-1}$, on obtient $r^2-r-1=0$, dont les racines réelles sont respectivement\[r_1=\frac12(1+q),\quad r_2=\frac12(1-q),\quad q=\sqrt{5}\]On démontre alors (exercice) que toute suite $(u_n)$ vérifiant l’équation de récurrence $u_{n+1}=u_n+u_{n-1}$ est nécessairement combinaison linéaire des 2 suites géométriques de base $(r_1^n)$ et $(r_2^n)$ (elles forment effectivement une base de l’espace vectoriel des suites $(u_n)$).\[u_n=\lambda_1r_1^n+\lambda_2 r_2^n\]On en déduit que $u_0=\lambda_1+\lambda_2$ et $u_1=\lambda_1r_1+\lambda_2r_2$, donc que $\lambda_1$ et $\lambda_2$ sont solutions de ce système linéaire dont la matrice a comme déterminant $\delta=r_2-r_1=-q\neq 0$ :\[\lambda_1=\frac{u_1-r_2u_0}{q},\quad \lambda_2=\frac{r_1u_0-u_1}{q}\]Pour la suite de Fibonacci, on a $u_0=u_1=1$, d’où $\lambda_1=\dfrac12(1+\dfrac1q)$ et $\lambda_2=\dfrac12(1-\dfrac1q)$, et finalement, après simplification,\[F_n=\frac{1}{2^{n+1}\,q}\left((1+q)^{n+1}-(1-q)^{n+1}\right)\]Ceci permet de calculer $F_n$ sans devoir calculer tous les précédents, ce qui est bien sûr intéressant lorsque $n$ est grand. D’autre part, en posant $f_n=\dfrac1q \left(\dfrac{1+q}{2}\right)^{n+1}$ et $g_n=\dfrac1q \left(\dfrac{1-q}{2}\right)^{n+1}$, on obtient $F_n/f_n=(1-g_n/f_n)$, et puisque $f_n/g_n=a^{n+1}$ avec $|a|=\dfrac{|q-1|}{|q+1|}\lt 1$, on en déduit $\lim a^{n+1}=0$ lorsque $n$ tend vers l’infini.
Finalement on obtient :\[\lim_{n\to +\infty} F_n/f_n=1\]Autrement dit, la suite $(F_n)$ se comporte à l’infini comme la suite $f_n=\dfrac{1}{\sqrt{5}}\left(\dfrac{1+\sqrt{5}}{2} \right)^{n+1}\sim 0{.}45 (1{.}618)^{n+1}$.
Voici un tableau comparant les valeurs de ces 2 suites, on utilise la notation $2.5(-5)$ pour $2.5\times 10^{-5}$ :\[\begin{array}{|c|c|c|c|c|c|}\hlinen&10&20&30&40&50 \\\hlineF_n&89&10946&1346269&165580141&20365011074 \\\hlineF_n/f_n-1&2.5(-5)&1{.}7(-9)&1{.}1(-13)&7{.}3(-18)&4{.}8(-22) \\\hline\end{array}\]On constate que la suite $(f_n)$ est une excellente approximation de la suite de Fibonacci. On a ainsi obtenu une information précise sur la vitesse de croissance de la population de lapins.

De nombreux phénomènes naturels sont ainsi modélisés par des suites récurrentes, par exemple les évolutions de populations de virus ou de bactéries.