ThéoriesDéfinition

L’idée clef de ce module est la généralisation du calcul vectoriel, de la géométrie vectorielle. Partons de la définition usuelle d’un vecteur dans ce cadre : longueur, sens, direction.

Quelles sont les opérations « simples » que nous pouvons faire avec des vecteurs dans le cadre de la géométrie vectorielle ?

Voici les propriétés de la somme :

  • La somme est interne  ;
  • La somme est associative$\forall (\vec u,\vec v,\vec w),\ (\vec u+\vec v)+\vec w=\vec u+(\vec v+\vec w)$ ;
  • Il existe un vecteur neutre$\forall \vec u,\ \vec u+\vec 0=\vec 0+\vec u=\vec u$., noté $\vec 0$ ;
  • Tout vecteur $\vec u$ admet un vecteur opposé$\forall \vec u,\ \vec u+(-\vec u)=(-\vec u)+\vec u=\vec 0$., noté $-\vec u$ ;
  • La somme est commutative$\forall (\vec u,\vec v),\ \vec u+\vec v=\vec v+\vec u$..

Voici les propriétés du produit par un scalaire (en notant $E$ le plan ou l’espace de travail) :

  • $\forall(k_1,k_2)\in \mathbb{R}^2,\ \forall \vec u\in E,\ (k_1+k_2)\times\vec u=k_1\times\vec u+k_2\times\vec u$ ;
  • $\forall k\in \mathbb{R},\ \forall (\vec u_1,\vec u_2 )\in E^2,\ k\times(\vec u_1+\vec u_2)=k\times\vec u_1+k\times\vec u_2$ ;
  • $\forall(k_1,k_2)\in \mathbb{R}^2,\ \forall u\in E,\ k_1\times(k_2\times \vec u)=(k_1\times k_2)\times\vec u$ ;
  • $\forall u\in E,\ 1\times\vec u=\vec u$.

D’autres propriétés peuvent aussi être considérées. Nous allons garder celles qui précèdent et les généraliser, ce qui nous donnera la définition ci-après.

Notation
  • Dans ce chapitre, nous noterons $\mathbb{K}$ pour désigner soit l’ensemble des réels $\mathbb{R}$, soit l’ensemble des complexes $\mathbb{C}$.
  • Nous ne noterons plus les vecteurs sous la forme $\vec u$ (sauf lorsqu’il s’agira de vecteurs de la géométrie vectorielle). En effet, comme nous allons le voir, un vecteur peut être un polynôme, une suite, une fonction…. Nous noterons alors les vecteurs en fonction de leur nature.
Définition

Un espace vectoriel sur $\mathbb{K}$ (ou $\mathbb{K}$-espace vectoriel) est un ensemble non vide $E$ muni d’une loi interne $\boxplus$ (c’est-à-dire une application de $E\times E$ dans $E$) et d’une loi externe $\bullet$ (c’est-à-dire une application de $\mathbb{K}\times E$ dans $E$) vérifiant :

  • $\boxplus$ est une loi associative c’est-à-dire\[\forall (u,v,w)\in E^3,\ \ (u\boxplus v)\boxplus w=u\boxplus(v\boxplus w)\]
  • $\boxplus$ est une loi admettant un élément neutre (noté en général $0_E$) c’est-à-dire\[\forall u\in E,\ u\boxplus 0_E=0_E\boxplus u=u\]
  • Tout élément de $E$ a un opposé pour la loi $\boxplus $ c’est-à-dire\[\forall u\in E,\ \exists (-u)\in E,\ u\boxplus(-u)=(-u)\boxplus u=0_E\]
  • $\boxplus$ est une loi commutative c’est-à-dire\[\forall(u,v)\in E^2,\ u\boxplus v=v\boxplus u\]
  • $\forall(k_1,k_2)\in\mathbb{K}^2,\ \forall u\in E,\ (k_1\boxplus k_2)\bullet u=(k_1\bullet u)\boxplus(k_2\bullet u)$
  • $\forall k\in \mathbb{K},\ \forall(u_1,u_2)\in E^2,\ k\bullet(u_1\boxplus u_2)=(k\bullet u_1)\boxplus (k\bullet u_2)$
  • $\forall (k_1,k_2)\in \mathbb{K}^2,\ \forall u\in E,\ k_1\bullet (k_2\bullet u)=(k_1\bullet k_2)\bullet u$
  • $\forall u\in E,\ 1\bullet u=u$

On note $(E,\boxplus,\bullet)$ un tel espace vectoriel.Les éléments de $\mathbb{K}$ sont appelés scalaires, et les éléments de $E$ sont appelés vecteurs.

  1. Un ensemble qui vérifie les quatre premiers points est appelé un groupe commutatif.
  2. Un espace vectoriel contient toujours $0_E$ et donc est en particulier, non vide.
  3. En ce qui concerne la règle « $1\bullet u=u$ », il faut bien prendre conscience qu’elle ne va pas de soi. $1$ est le neutre du produit de $\mathbb{K}$, il n’y a aucune raison pour qu’il adopte une attitude comparable en ce qui concerne le produit externe. C’est le seul résultat d’un produit par un scalaire qui est donné par les axiomes.
  4. Lorsque nous travaillerons avec des espaces vectoriels « classiques » (comme par exemple l’ensemble des polynômes, des fonctions, des suites…), les lois interne et externe seront notées avec les notations usuelles. Par exemple, pour des polynômes, nous noterons $P+2Q$ et non $P\boxplus 2\bullet Q$.
  1. $\mathbb{R}$ muni des opérations usuelles est un $\mathbb{R}$-espace vectoriel.
  2. Soit $\mathbb{R}^2=\mathbb{R}\times\mathbb{R}=\bigl\{(x,y) \bigm\vert x \in \mathbb{R},\ y \in \mathbb{R}\bigr\}$.Considérons les deux opérations définies par : \[\begin{align*}(x,y)\boxplus(x′,y′)&=(x+x′,y+y′),\\λ\bullet(x,y)&=(\lambda x, \lambda y)\end{align*}\]Alors $\mathbb{R}^2$ muni de ces deux opérations est un $\mathbb{R}$-espace vectoriel.
    De même, $\mathbb{R}^n$ munie des lois usuelles est un $\mathbb{R}$-espace vectoriel.
  3. L’ensemble $A(\mathbb{R},\mathbb{R})$ des applications de $\mathbb{R}$ dans $\mathbb{R}$ muni des opérations $\boxplus$ et $\bullet$ définies ci-dessous est un espace vectoriel sur $\mathbb{R}$ :\[\forall(f,g)\in A(\mathbb{R},\mathbb{R})^2,\ \forall x\in \mathbb{R},\ (f\boxplus g)(x)=f(x)+g(x)\]\[\forall f\in A(\mathbb{R},\mathbb{R}),\ \forall \lambda \in \mathbb{R},\ \forall x\in \mathbb{R},\ (\lambda \bullet f)(x)=\lambda f(x)\](Elément neutre : ${0_{A(\mathbb{R},\mathbb{R})}}:x\mapsto 0$)
  4. Il est facile de vérifier que les ensembles suivants munis des lois « classiques » sont des espaces vectoriels sur $\mathbb{R}$ :
    • L’ensemble des suites réelles,
    • L’ensemble des polynômes $\mathbb{R}[X]$,
    • L’ensemble des polynomes de degre inférieur ou égal à $n$, $\mathbb{R}_n[X]$.
    Parfois, il peut être utile de travailler avec des lois non classiques.
Remarque

Concernant la définition d’espace vectoriel ci-dessus :

  • Ce n’est pas la plus générale. En effet, pour l’ensemble $\mathbb{K}$ des scalaires, nous pouvons choisir un corps ; mais cette dernière notion est hors programme dans le cadre de ce chapitre.
  • Elle ne servira que pour les ensembles de base (voir exemples précédents). D’autres critères seront ensuite utilisés pour montrer qu’un ensemble est un espace vectoriel.
Propriété

Les propriétés suivantes résultent directement des axiomes :

  1. $\forall u\in E,\ 0\bullet u=0_E$ où $0$ est le neutre de $(\mathbb{K},+)$ et $0_E$ le neutre de $(E,\boxplus)$.
  2. $\forall k\in\mathbb{K}, k\bullet 0_E=0_E$.
  3. $(-1)\bullet u=-u$ où $-1$ est le symétrique de $1$ dans $(\mathbb{K},+)$ et $-u$ le symétrique de $u$ dans $(E,\boxplus)$.
  4. $\forall u\in E, \forall k\in \mathbb{K}, k\bullet u=0_E \implies k= 0$ ou $u=0_E$.
  1. $1\bullet u =u=(1+0)\bullet u=1\bullet u\boxplus 0\bullet u=u\boxplus 0\bullet u$. Donc, $u=u\boxplus 0\bullet u$. D’où $0\bullet u=0_E$.
  2. $k\bullet 0_E=k\bullet(0\bullet u)=(k\times 0)\bullet u=0\bullet u=0_E$.
  3. $0_E=0\bullet u=[1 + (-1)] \bullet u=u\boxplus (-1) \bullet u \implies (-1) \bullet u=-u$.
  4. Si $k\bullet u=0_E$ et si $k\ne 0$, alors $\displaystyle{\frac1k\bullet(k\bullet u)=\frac1k\bullet 0_E \implies 1\bullet u=0_E \implies u=0_E}$.