ThéoriesCaractérisation d’une base de dimension finie

Théorème

Soit $E$ un $\mathbb{K}$-espace vectoriel de dimension finie $n$.

  1. Toute famille libre de $E$ possède au plus $n$ éléments.
  2. Toute famille génératrice de $E$ possède au moins $n$ éléments.
  3. Toute famille libre de $E$ à $n$ éléments est une base de $E$.
  4. Toute famille génératrice de $E$ à $n$ éléments est une base de $E$.
  1. Montrons que toute famille libre de $E$ possède au plus $n$ éléments.
    Soit $\mathscr{F}$ une famille libre composée de $p$ vecteurs et considérons $F=\Vect(\mathscr{F})$.
    $\mathscr{F}$ est une famille libre et génératrice de $F$, donc il s’agit d’une base de $F$. Ainsi, $\Dim(F)=p$.Or, $F$ est un sous-espace vectoriel de $E$ d’où $\Dim(F)\le\Dim(E)$, c’est-à-dire $p\le n$.
  2. Montrons que toute famille génératrice de $E$ possède au moins $n$ éléments.
    Soit $\mathscr{F}$ une famille génératrice. Nous pouvons extraire de cette famille une famille libre et génératrice, c’est-à-dire une base. Cette base est alors composée de $n$ éléments. Donc, le nombre de vecteurs de $\mathscr{F}$ est supérieur à $n$.
  3. Montrons que toute famille libre de $E$ à $n$ éléments est une base de $E$.
    Soit $\mathscr{F}$ une famille libre composée de $n$ vecteurs. Soit $v$ un vecteur de $E$. Montrons que $v$ est une combinaison linéaire de vecteurs de $\mathscr{F}$ en raisonnant par l’absurde. Si $v$ n’est pas une combinaison linéaire de vecteurs de $\mathscr{F}$, alors nous pouvons montrer que la famille $\mathscr{F}\bigcup \{v\}$ est libre. Or, cette famille a $(n+1)$ éléments. D’après le point n°1 du théorème, il s’agit d’une famille liée. D’où le résultat.
  4. Montrons que toute famille génératrice de $E$ à $n$ éléments est une base de $E$.
    Soit $\mathscr{F}$ une famille génératrice composée de $n$ vecteurs. Nous pouvons extraire de cette famille une famille libre et génératrice, c’est-à-dire une base. Cette base est alors composée de $n$ éléments.Donc, cette famille extraite est égale à $\mathscr{F}$ et ainsi $\mathscr{F}$ est une base.

En pratique, les points n°3 et 4 du théorème s’utilisent de la façon suivante.

Soit $E$ un $ \mathbb{K}$-espace vectoriel de dimension $n$ et soit $\mathscr{F}$ une famille de vecteurs de $E$. Les propriétés suivantes sont équivalentes :

  1. $\mathscr{F}$ est une base de $E$.
  2. $\mathscr{F}$ est une famille libre de $n$ vecteurs.
  3. $\mathscr{F}$ est une famille génératrice de $n$ vecteurs.
Théorème et définition

Soient $E$ un $\mathbb{K}$-espace vectoriel de dimension finie $n$ et $B=(e_1,\ldots,e_n)$ une base de $E$.\[\forall u\in E,\ \exists !\ (x_1,\ldots,x_n)\in \mathbb{K}^n \vert u=\sum\limits_{i=1}^{n}x_ie_i\]$(x_1,\ldots,x_n)$ sont les composantes de $u$ dans la base $B$.

Soit $u$ un vecteur de $E$. Comme $B$ est une base, $B$ est une famille génératrice. Donc\[\exists (x_1,\ldots,x_n)\in \mathbb{K}^n \vert u=\sum\limits_{i=1}^{n}x_ie_i.\tag{1}\label{eq:thd1-1}\]

Montrons l’unicité. Soit\[(y_1,\ldots,y_n)\in \mathbb{K}^n \vert u=\sum\limits_{i=1}^{n}{y_ie_i}.\tag{2}\label{eq:thd1-2}\]En effectuant la différence des égalités $\eqref{eq:thd1-1}$ et $\eqref{eq:thd1-2}$, nous obtenons\[\sum\limits_{i=1}^n{(x_i-y_i)e_i}=0_E.\tag{3}\label{eq:thd1-3}\]Comme $B$ est une base, $B$ est une famille libre. Nous déduisons alors grâce à l’égalité $\eqref{eq:thd1-3}$ que $\forall i=1,\ldots,n,\ x_i=y_i$. L’unicité est ainsi démontrée.

ThéorèmeThéorème de la base incomplète

Soient $E$ un $ \mathbb{K}$-espace vectoriel de dimension finie $n$ non nul de base $B=(e_1,\ldots,e_n)$, et $S=\{u_1,\ldots,u_p\}$ une famille libre de $p$ vecteurs $(p\le n)$.
$S$ peut être complétée par $(n-p)$ vecteurs de la base $B$ pour former une base de $E$.

Soit $S=\{u_1,\ldots,u_p\}$ une famille libre de $p$ vecteurs $(p\le n)$.
  • Si $p=n$ :$S$ est une famille libre de $n$ vecteurs. Donc, $S$ est une base. Nous avons ainsi « complété » $S$ avec $(n-n)=0$ vecteur pour obtenir une base.
  • Si $p\lt n$ :Soit $F=\Vect(S)$. $S$ est une famille libre et génératrice de $F$, donc il s’agit d’une base de ce sous-espace vectoriel. D’où $\Dim(F)\lt\Dim(E)$. Ainsi, $F$ est strictement inclus dans $E$.

Soit $v_1$ un vecteur appartenant à $E$ et n’appartenant pas à $F$. Posons $S_1= S\bigcup v_1$.
Montrons que la famille $S_1$ est libre.

$\sum\limits_{i=1}^{p}\alpha_iu_i+\beta_1v_1=0_E\tag{1}\label{eq:th2-1}$

  • 1er cas : $\beta_1=0$.
    Alors $\eqref{eq:th2-1}\implies \sum\limits_{i=1}^{p}\alpha_iu_i=0_E$.Or, comme la famille $S$ est libre, nous en déduisons que $\forall i=1,\ldots,p,\ \alpha_i=0$ et ainsi la famille $S_1$ est libre.
  • 2ème cas : ${\beta_1}\ne 0$.
    Alors, $\eqref{eq:th2-1}\implies v_1=-\frac1{\beta_1}\sum\limits_{i=1}^{p}\alpha_iu_i$ et donc $v_1$ est élément de $F$ comme combinaison linéaire de vecteur de $F$, ce qui contredit l’hypothèse « $v_1$ est un vecteur appartenant à $E$ et n’appartenant pas à $F$ ».

Nous avons donc montré que $S_1$ est libre. $S_1$ a $(p+1)$ vecteurs. Nous réitérons cette opérations jusqu’à obtenir une famille libre de $n$ vecteurs. Cette famille sera alors une base de $E$. Nous aurons alors complété la famille $S$ avec $(n-p)$ vecteurs. D’où le résultat.

Soit $E=\mathbb{R}^4$ muni de la base canonique $(e_1,e_2,e_3,e_4)$. On considère les vecteurs $w_1(1,2,0,0)$ et $w_2=(-1,1,0,0)$. $\{w_1,w_2\}$ est un système libre. Complétons le, en une base de $\mathbb{R}^4$.

$\{w_1,w_2,e_1\}$ est lié.
$\{w_1,w_2,e_2\}$ est lié.
$\{w_1,w_2,e_3\}$ est libre.
$\{w_1,w_2,e_3,e_4\}$ est libre, donc est une base de $\mathbb{R}^4$.

Remarque

Ce théorème est à rapprocher du théorème déjà vu :

Soit $E$ un $\mathbb{K}$-espace vectoriel non réduit à $\{0_E\}$.Si $E$ possède une famille génératrice finie, alors on peut extraire de cette famille une famille génératrice et libre.

Les idées de ces théorèmes sont les suivantes :

  • On peut « diminuer » une famille génératrice pour obtenir une base.
  • On peut « augmenter » une famille libre pour avoir une base.

Donnons maintenant un théorème très important concernant les dimensions.

ThéorèmeFormule de Grassmann

Soit $E$ un $\mathbb{K}$-espace vectoriel. Soient $F$ et $G$ deux sous-espaces vectoriels de $E$ de dimension finie.
Alors :\[\Dim(F+G)=\Dim(F)+\Dim(G)–\Dim(F\bigcap G).\]

  1. Si $F\bigcap G=\{0_E\}$.

    Soit ${(f_i)}_{i=1,\ldots,n}$ une base de $F$ et ${(g_j)}_{j=1,\ldots,m}$ une base de $G$. Alors :\[F+G=\Vect(\{f_1,\ldots,f_n,g_1,\ldots,g_m\}).\]

    Montrons que $\{f_1,\ldots,f_n,g_1,\ldots,g_m\}$ est une famille libre.
    $\sum\limits_{i=1}^{n}\alpha _if_i+\sum\limits_{i=1}^m\beta _ig_i=0_E\implies \sum\limits_{i=1}^{n}\alpha _if_i=-\sum\limits_{i=1}^{m}\beta _ig_i\in F\bigcap G$.
    Donc, $\sum\limits_{i=1}^{n}\alpha _if_i=-\sum\limits_{i=1}^{m}\beta _ig_i=0_E$.
    On en déduit que pour $i=1,\ldots,n, \alpha_i=0$ et pour $i=1,\ldots,m, \beta_i=0$.
    D’où le résultat.

  2. Si $F\bigcap G\ne \{0_E\}$.

    Soit ${(e_i)}_{i=1,\ldots,n}$ une base de $F\bigcap G$, complétéeVoir le Théorème de la base incomplète. en une base $(e_1,\ldots,e_n,\varepsilon_1,\ldots,\varepsilon_q)$ de $F$ et $(e_1,\ldots,e_n,\nu_1,\ldots,\nu_p)$ de $G$. Soit $H$ le sous-espace vectoriel de $E$ de base $(\nu_1,\ldots,\nu_p)$. Montrons que $F\bigcap H=\{0_E\}$ (afin d’utiliser le point n°1).

    Soit $u$ élément de $F\bigcap H$.\[\exists (\alpha _i)_{i=1,\ldots,n}\in \mathbb{K}^n,\ \exists (\beta _i)_{i=1,\ldots,q}\in \mathbb{K}^q\vert u=\sum\limits_{i=1}^{n}\alpha _ie_i+\sum\limits_{i=1}^{q}\beta _i\varepsilon _i\tag{1}\label{eq:th3-1}\]et\[\exists (\gamma _i)_{i=1,\ldots,p}\vert u=\sum\limits_{i=1}^{p}\gamma _i\nu _i.\tag{2}\label{eq:th3-2}\]Donc, $u$ est élément de $G$ (comme combinaison linéaire d’éléments de $G$ par exemple) et de $F$. Donc,\[\exists (\lambda _i)_{i=1,\ldots,n}\in \mathbb{K}^n\vert u=\sum\limits_{i=1}^{n}\lambda _ie_i.\tag{3}\label{eq:th3-3}\]En égalisant $\eqref{eq:th3-1}$ et $\eqref{eq:th3-3}$, on en déduit : $\sum\limits_{i=1}^{n}(\alpha _i-\lambda _i)e_i+\sum\limits_{i=1}^{q}\beta _i\varepsilon _i=0_E$.
    Comme $(e_1,\ldots,e_n,\varepsilon_1,\ldots,\varepsilon_q)$ est une base de $F$ (donc libre), on a $\forall i=1,\ldots,q,\ \beta_i=0$.
    $\eqref{eq:th3-1}$ devient :\[u=\sum\limits_{i=1}^{n}\alpha _ie_i.\tag{4}\label{eq:th3-4}\]En égalisant $\eqref{eq:th3-4}$ et $\eqref{eq:th3-2}$, on en déduit $\sum\limits_{i=1}^{p}\gamma _i\nu _i-\sum\limits_{i=1}^{n}\alpha _ie_i=0_E$. Comme $(e_1,\ldots,e_n,\nu_1,\ldots,\nu_p)$ est une base de $G$ (donc libre), on a pour tout $i=1,\ldots,n,\ \alpha_i=0$ et pour tout $i=1,\ldots,p, \gamma_i=0$. Donc, $u=0_E$.

    On obtient donc $\Dim(F+H)=\Dim(F)+\Dim(H)$. Or, $F+H=F+G$ (famille génératrice égale). Donc :\[\eqalign{\Dim(F+G)&=n+q+p=(n+q)+(p+n)-n\cr&=\Dim(F)+\Dim(G)–\Dim(F\bigcap G)}\]D’où le résultat.

Remarque

Nous pouvons mettre en parallèle à ce théorème le théorème sur les cardinaux (nombre d’éléments d’un ensemble) :

Soit $E$ un ensemble. Soient $F$ et $G$ deux ensembles de $E$ de cardinal fini.
Alors, $\Card(F\bigcup G)=\Card(F)+\Card(G)–\Card(F\bigcap G)$.

Nous avons déjà remarqué que la somme de sous-espaces vectoriels généralise l’union des ensembles. Nous pouvons aussi voir que la dimension d’un sous-espace vectoriel correspond à « la grosseur » de celui-ci…

Nous allons déduire de ce théorème un corollaire très utile en pratique. Il nous permettra de démontrer si une somme de sous-espaces vectoriels est ou non directe.

Corollaire

Soit $E$ un $ \mathbb{K}$-espace vectoriel de dimension finie. Soient $F$ et $G$ deux sous-espaces vectoriels de $E$. Les propriétés suivantes sont équivalentes :

  1. $E=F\oplus G$.
  2. $E=F+G$ et $\Dim(E)=\Dim(F)+\Dim(G)$.
  3. $F\bigcap G=\{0_E\}$ et $\Dim(E)=\Dim(F)+\Dim(G)$.

Montrons que les propriétés 1 et 2 sont équivalentes.

  • Supposons $E=F\oplus G$.
    Nous avons donc $E=F+G$ et $F\bigcap G=\{0_E\}$. Appliquons la formule de Grasmann : $\Dim(F+G)=\Dim(F)+\Dim(G)–\Dim(F\bigcap G)$. Or, $F\bigcap G=\{0_E\}$ et donc $\Dim(F\bigcap G)=0$.Nous obtenons $\Dim(F+G)=\Dim(F)+\Dim(G)$.
    La propriété 2 est ainsi démontrée.
  • Supposons $E=F+G$ et $\Dim(E)=\Dim(F)+\Dim(G)$.
    Pour obtenir la propriété 1, il suffit de montrer que $F\bigcap G=\{0_E\}$. Appliquons la formule de Grasmann : $\Dim(F+G)=\Dim(F)+\Dim(G)–\Dim(F\bigcap G)$. Nous en déduisons que $\Dim(F\bigcap G)=0$ et donc $F\bigcap G=\{0_E\}$.
    Nous avons ainsi démontré l’équivalence entre les propriétés 1 et 2.

La démonstration de l’équivalence des propriétés 1 et 3 s’obtient de manière similaire (grâce à la formule de Grasmann). D’où le résultat.

Reprenons des exemples déjà vu de sous-espaces vectoriels en somme directe.

Soit $E=\mathbb{R}^3$ considéré comme un $\mathbb{R}$-espace vectoriel avec les lois usuelles.Soient $P$ défini par son équation cartésienne $3x+2y+z=0$, c’est-à-dire $P=\bigl\{(x,y,z)\in \mathbb{R}^3\bigm\vert 3x+2y+z=0\bigr\}$, un sous-espace vectorielDémontré précédemment cf. les sous-espaces vectoriels de $E$.Et $D$ défini par $\left\{\begin{matrix} &x&+&y&+&2z&=&0 \\ &x&-&y&-&z&=&0 \\\end{matrix} \right.$, c’est-à-dire $D=\bigr\{(x,y,z)\in \mathbb{R}^3\bigm\vert x+y+2z=0 \wedge x-y-z=0\bigr\}$.$D$ est un sous-espace vectorielDémontré précédemment cf. les sous-espaces vectoriels de $E$.Nous avons déjà montréDémontré précédemment cf. somme de deux sous-espaces vectoriels que $P\bigcap D=\left\{0_{\mathbb{R}^3}\right\}$.La somme est donc directe.

Montrons à l’aide de la notion de dimension que $P\oplus D=\mathbb{R}^3$.

D’après la formule de Grasmann, nous avons :\[\Dim(P+D)=\Dim(P)+\Dim(D)-\Dim(P\bigcap D).\]Or, $\Dim(P)=2$, $\Dim(D)=1$ et $\Dim(P\bigcap D)=0$. Nous en déduisons : $\Dim(P+D)=3$. Or, $P+D\subset \mathbb{R}^3$ et $\Dim(\mathbb{R}^3)=3$. Nous avons donc $P+D=\mathbb{R}^3$.

Ainsi, $P$ et $D$ sont supplémentaires.

Soit $\mathbb{R}_2[X]$ considéré comme un $\mathbb{R}$-espace vectoriel.Soient $F=\mathbb{R}_1[X]$ et $H=\bigl\{P\in \mathbb{R}_2[X]\vert\exists\alpha\in\mathbb{R},\ P=\alpha X^2\bigr\}$. $F$ et $H$ sont des sous-espaces vectorielsDémontré précédemment cf. somme de deux sous-espaces vectoriels.Nous avons déjà montréDémontré précédemment cf. somme de deux sous-espaces vectoriels que la somme $F+H$ est directe.

Montrons à l’aide de la notion de dimension que $F\oplus H=\mathbb{R}_2[X]$.

D’après la formule de Grasmann, nous avons :\[\Dim(F+H)=\Dim(F)+\Dim(H)-\Dim(F\bigcap H).\]Or, $F$ a pour base $(1,X)$ donc $\Dim(F)=2$. $H$ a pour base $(X^2)$, donc $\Dim(H)=1$.
Nous avons déjà montréDémontré précédemment cf. somme de deux sous-espaces vectoriels que $F\bigcap H=\left\{0_{\mathbb{R}^2[X]}\right\}$ et donc $\Dim(F\bigcap H)=0$. Nous en déduisons $\Dim(F+H)=3$. Or, $F+H\subset \mathbb{R}_2[X]$ et $\Dim(\mathbb{R}_2[X])=3$. Nous avons donc $F+H=\mathbb{R}_2[X]$.

Ainsi, $F$ et $H$ sont supplémentaires.