Dans ce paragraphe, nous allons définir deux notions importantes pour les applications linéaires : les notions de noyau et d’image.
Soit $f$ un élément de $\mathscr{L}(E,F)$.
L’image de $f$ est par définition $f(E)$ et on la note $\Img(f)$.\[\Img(f)=\{f(u)\vert u\in E\}\]
Avec la notation ci-dessus, nous pouvons écrire le théorème suivant.
$\Img(f)$ est un sous-espace vectoriel de $F$.
Immédiate en utilisant le dernier théorème du cours précédent.
On considère l’application $f$ de $\mathbb{R}_4[X]$ dans lui-même définie par :\[\forall P \in\mathbb{R}_4[X],\ f(P)=P+(1–X)P’\]
Tout d’abord, vérifions que $f$ est bien une application de $\mathbb{R}_4[X]$ dans lui-même.
Soit $P$ élément de $\mathbb{R}_4[X]$, nous avons :\[\deg\bigl(P+(1-X)P’\bigr)\le \max (\deg P,\deg \bigl((1-X)P’)\bigr)=\max (\deg P,1+\deg P’)\le \deg P\le 4.\]Et donc $f(P)$ est élément de $\mathbb{R}_4[X]$.
La linéarité de l’application découle de la linéarité de la dérivation :\[f(P+\lambda Q)=P+\lambda Q+(1-X)(P’+\lambda Q’)=P+(1-X)P’+\lambda \bigl(Q+(1-X)Q’\bigr)=f(P)+\lambda f(Q).\]
D’autre part, on a :\[\Img(f)=\bigl\{P+(1-X)P’\vert P\in \mathbb{R}_4[X] \bigr\}.\]Soit $P$ élément de $\mathbb{R}_4[X]$. Alors nous pouvons écrire $P$ sous la forme $P=a_0+a_1X+a_2X^2+a_3X^3+a_4X^4$, et donc $P’=a_1+2a_2X+3a_3X^2+4a_4X^3$Donc on obtient :\[\begin{align*}P+(1-X)P’&=a_0+a_1X+a_2X^2+a_3X^3+a_4X^4+a_1+2a_2X+3a_3X^2+4a_4X^3-a_1X-2a_2X^2-3a_3X^3-4a_4X^4 \\ &=a_0+a_1+2a_2X+X^2(3a_3-a_2)+X^3(4a_4-2a_3)-3a_3X^4 \\ \end{align*}\]Ainsi :\[\Img(f)=\bigl\{a_0+a_1+2a_2X+X^2(3a_3-a_2)+X^3(4a_4-2a_3)-3a_3X^4\vert (a_0,a_1,a_2,a_3a_4)\in\mathbb{R}^4 \bigr\}.\]On sait que la famille $\{1,X,X^2,X^3,X^4 \}$ constitue une base de $\mathbb{R}_4[X]$, et dans cette base, on a :\[\begin{align*}\Img(f)&=\Vect\bigl\{(1,0,0,0,0),(1,0,0,0,0),(0,2,-1,0,0),(0,0,3,-2,0),(0,0,0,4,-3)\bigr\} \\&=\Vect\bigl\{(1,0,0,0,0),(0,2,-1,0,0),(0,0,3,-2,0),(0,0,0,4,-3)\bigr\}.\end{align*}\]
Donc c’est en particulier un espace vectoriel de dimension 4 car les vecteurs de la famille sont libres.
Soit $f$ un élément de $\mathscr{L}(E,F)$. Le noyau de $f$ est par définition $f^{-1}\bigl(\{0_F\} \bigr)$.
On le note $\Ker(f)$.\[u\in \Ker(f)\iff f(u)=0_F\]
Avec les notation ci-dessus, nous pouvons écrire le théorème suivant.
$\Ker(f)$ est un sous-espace vectoriel de $E$.
Immédiate en utilisant le théorème précédent.
1-Reprenons l’exemple précédent du calcul de l’image de $f$ de $\mathbb{R}_4[X]$dans lui-même définie par : \[\forall P \in \mathbb{R}_4[X],\ $f(P)=P+(1–X)P’\]Déterminer le noyau $f$.On a $\Ker(f)=\bigl\{P\in\mathbb{R}_4[X]\vert P+(1-X)P’=0 \bigr\}$.Pour déterminer le noyau de cette application, nous devons trouver les solutions polynomiales solutions de l’équation différentielle :\[(1-x)y’+y=0\label{eq:ex3eq1}\tag{E}\]Remarquons tout d’abord que le polynôme nul est solution de cette équation.Soit $P$ un polynôme de degré $n\ge 0$, on a $P=\sum\limits_{k=0}^{n}{a_kX^k}$ avec $a_n\ne 0$.Ainsi $P$ vérifie $\eqref{eq:ex3eq1}$ si et seulement si :\begin{align*}(1-X)\sum\limits_{k=1}^{n}ka_kX^{k-1}+\sum\limits_{k=0}^{n}a_kX^k=0&\iff\sum\limits_{k=1}^{n}ka_kX^{k-1}-\sum\limits_{k=1}^{n}ka_kX^k+\sum\limits_{k=0}^{n}a_kX^k=0 \\ &\iff\sum\limits_{k=0}^{n-1}(k+1)a_{k+1}X^k-\sum\limits_{k=1}^{n}ka_kX^k+\sum\limits_{k=0}^{n}a_kX^k=0 \\ &\iff\sum\limits_{k=1}^{n-1}(k+1)a_{k+1}X^k+a_1-\sum\limits_{k=1}^{n-1}ka_kX^k-na_kX^n \nonumber \\&\mathrel{\phantom{\iff}} +\sum\limits_{k=1}^{n-1}a_kX^k+a_nX^n+a_0=0 \\ &\iff\sum\limits_{k=1}^{n-1}((k+1)a_{k+1}-ka_k+a_k)X^k+a_n(1-n)X^n+a_0+a_1=0 \\ \end{align*}Par identification, on obtient en particulier $a_n(1-n)=0$Or par hypothèse $a_n\ne 0$ donc cela implique que $n=1$.D’autre part, on doit avoir $a_0+a_1=0$, ce qui implique que $P$ s’écrit sous la forme : $P=aX-a$.Remarquons que l’on pouvait directement résoudre cette équation et chercher ensuite les fonctions polynômes parmi l’ensemble des solutions :$(1-x)y’=-y\underset{(y\ne 0)}{\mathop \iff}\,\frac{y’}{y}=-\frac{1}{1-x}(\iff \ln |y|=\ln |x-1|+K)\iff y=a(x-1)$Comme les seules solutions sont des polynômes, on a immédiatement le résultat.Finalement, on obtient $\Ker(f)=\bigl\{aX-a\vert a\in \mathbb{R}\bigl\}=\bigl\{a(X-1)\vert a\in \mathbb{R}\bigl\}$En particulier, cet espace vectoriel est de dimension 1.
2-Déterminons le noyau et le rang de l’application linéaire $T$ de $\mathbb{R}^3$ dans lui même définie par : $T(x,y,z)=(x,y,0)$Remarquons que le noyau et l’image seront des sous-espace vectoriels de $\mathbb{R}^3$.$\Ker(T)$ est le sous-espace vectoriel des vecteurs ayant pour image $(0,0,0)$.$\Ker(T)$ est l’ensemble des vecteurs $(0,0,z)$ : $\Ker (T)=\bigl\{(0,0,z)\vert z\in \mathbb{R} \bigr\}$Du point de vue géométrique, $\Ker(T)$ est l’ensemble des vecteurs qui sont situés dans l’axe $z$.$\Img(T)$ est l’ensemble des vecteurs de la forme $(x,y,0)$. Alors,$\Img(T)=\bigl\{(x,y,0\vert x\in \mathbb{R} \wedge y\in \mathbb{R} \bigr\}$$\Img(T)$ est l’ensemble des vecteurs qui se trouvent dans le plan $xy$.L’animation suivante illustre cette transformation. Test un exemple d’opérateur de projection.Animation prochainement disponible
Les notions de noyau et d’image vont nous permettre de caractériser simplement les applications linéaires injectives, et surjectives comme nous allons maintenant le voir.
Soit $f$ un élément de $\mathscr{L}(E,F)$.
- $f$ est injective si et seulement si $\Ker(f)=\{0_E\}$.
- $f$ est surjective si et seulement si $\Img(f)=F$.
- 1- a- Montrons d’abord la propriété : Si $f$ est injective alors $\Ker(f)=\{0_E\}$.Supposons $f$ injective.Nous avons immédiatement l’inclusion $\Ker(f) \supset \{0_E\}$.Pour l’inclusion réciproque, soit $u$ un élément de $\Ker(f)$.Alors, $f(u)=0_F$.Or, $f(0_E)=0_F$.$f$ étant injective, $0_F$ n’a qu’un seul antécédent.Nous en déduisons que $u=0_E$ et donc $\Ker(f) \subset \{0_E\}$.D’où le résultat.1-b- Montrons la réciproque, c’est-à-dire : Si $\Ker(f)=\{0_E\}$ alors $f$ est injective.Supposons $\Ker(f)=\{0_E\}$.Soient $u$ et $v$ deux éléments de $E$ tels que $f(u)=f(v)$. Donc, $f(u) – f(v)=0_F$.Or, $f$ est une application linéaire : $f(u) – f(v)=f(u – v)$.Alors, $f(u-v)=0_F$ et donc $u-v$ est un élément de $\Ker(f)$.Nous en déduisons : $u-v=0_E$ et donc : $u=v$.D’où le résultat.
- La démonstration est immédiate en remarquant que par définition nous avons :
$f$ surjective si et seulement si $f(E)=F$ et $\Img(f)=f(E)$.