Avant de commencerPrésentation historique

Les notions d’intégrale et de primitive sont à priori très différentes. La première est liée à l’évaluation de l’aire sous une courbe tandis que la seconde est le problème inverse de la dérivation. Voici à ce propos une citation de Lacroix (1806), le professeur de Cauchy :

Le calcul intégral est l’inverse du calcul différentiel ; il a pour but de remonter des coefficients différentiels aux fonctions dont ils dérivent… Lorsque le coefficient différentiel du premier ordre d’une fonction de $x$ est donné en $x$, on a $\dfrac{\mathrm{d}y}{\mathrm{d}x}=X$ ou $\mathrm{d}y=X\;\mathrm{d}x$ ; la fonction cherchée est donc celle dont la différentielle est $Xdx$; et on l’indique comme il suit :$y=\int X\;\mathrm{d}x$.
La lettre $\int$ a été employée par ceux qui ont écrit les premiers sur le calcul intégral, comme l’initiale du mot $\int$omme, parce que, suivant les idées de Leibnitz, les différentielles représentant les accroissements infiniment petits des variables, il s’ensuit qu’une variable quelconque est la somme du nombre infini d’accroissements qu’elle a reçus depuis son origine jusqu’au moment où on la considère; et c’est pour cela qu’ils ont donné à la fonction que nous appelons primitive le nom d’intégrale comme étant le résultat de l’agrégation de toutes les différentielles\ldots

Comme on le voit dans ce texte, les deux notions sont en fait assez confondues, justement parce que le calcul de l’intégrale d’une fonction demande de connaître une de ses primitives. Inversement, le calcul d’une primitive d’une fonction continue s’obtient grâce au calcul intégral.
L’un des premiers exemples de ce lien entre primitive et intégrale est celui de la primitive de $1/x$ qui est est le logarithme népérien : il figure déjà dans les travaux du flamand Grégoire de Saint Vincent (1584-1667).
La première définition rigoureuse des intégrales et primitives des fonctions continues est due à Augustin-Louis Cauchy (1789-1857). Il démontre le « théorème fondamental du calcul intégral » pour les fonctions continues. Si $f$ est une telle fonction et si $F $ est une primitive de $f$, c’est à dire une fonction continûment dérivable telle que $F'(x)=f(x)$, alors l’intégrale $\int_a^b f(t)\;\mathrm{d}t$ est égale à $F(b)-F(a)$. D’autre part, la fonction $F$ définie par l’intégrale $F(x)=\int_a^x f(t)\;\mathrm{d}t$ est la primitive de $f$ vérifiant $F(a)=0$. Une extension de ces travaux à d’autres classes de fonctions en a ensuite été donnée par Bernhard Riemann (1826-1866). L’intégrale utilisée actuellement est celle d’Henri Lebesgue (1875-1941), qui en constitue une autre généralisation.

De nombreuses fonctions standard (ou de référence) sont définies comme primitives de fonctions de référence plus simples. Un exemple historique, comme on l’a vu plus haut, est celui du logarithme népérien\[\ln(x)=\int_1^x \frac1t\;\mathrm{d}t\quad\text{pour $x\gt 0$}.\]D’autres exemples sont le sinus intégral\[\mathrm{Si}(x)=\int_0^x \frac{\sin(t)}{t}\;\mathrm{d}t,\]l’exponentielle intégrale (complémentaire)\[\mathrm{Ein}(x)=\int_0^x \frac{1-e^{-t}}{t}\;\mathrm{d}t,\]les fonctions inverses des fonctions trigonométriques ou hyperboliques, par exemple\[\begin{align*}&\arcsin(x)=\int_0^x \frac{dt}{\sqrt{1-t^2}} \\\text{ou}\quad&\mathrm{arctanh}(x)=\int_0^x \frac{dt}{1-t^2}\quad\text{pour $x\in {]}-1,1{[}$},\\\end{align*}\]la fonction d’erreur\[\mathrm{erf}(x)=\frac{2}{\sqrt{\pi}}\int_0^x e^{-t^2}\;\mathrm{d}t\]et les intégrales de Fresnel\[\begin{align*}&C(x)=\int_0^x \cos\left(\frac12 \pi t^2\right)\;\mathrm{d}t \\\text{et}\quad&S(x)=\int_0^x \sin\left(\frac12 \pi t^2\right)\;\mathrm{d}t. \\\end{align*}\]Ces fonctions ne peuvent pas s’exprimer à l’aide de fonctions élémentaires, donc elles s’ajoutent à la collection des fonctions de référence.